Il vivotait, passait des heures
A répéter son numéro
En attendant une vie meilleure,
Il épatait les badauds
Il allumait une cigarette,
Il soufflait dessus.
Les spectateurs étaient en fête,
La cigarette a disparu
Un jour, dans un petit bistrot
Il rencontra la petite Lulu
Qui lui dit: “T’as pas l’air idiot,
Dans la vie, que fais-tu?”
Il alluma une cigarette,
Il souffla dessus.
La petite Lulu était en fête,
La cigarette a disparu
La petite faisait des yeux tout ronds.
C’était gagné pour le dodo,
Elle se ferait plus de mouron,
Ils travailleraient en duo
Elle allumerait les cigarettes,
Elle soufflerait dessus,
Elle compterait les recettes,
Adjugé, n’en parlons plus!
Les temps étaient très difficiles,
Dans le quartier, on les voyait trop.
Fallait courir de ville en ville,
Plus question de prendre le métro
Suffisait plus d’une cigarette,
De souffler dessus.
Il fallait se creuser la tête,
Ces petits trucs-là ne prenaient plus
Sacrifiant ses économies,
Une caisse en bois il acheta.
Mais pourquoi cette énorme scie?
La petite Lulu ne comprenait pas
Et ainsi, sept fois par semaine,
Il la coupait en petits morceaux,
La belle se plaignait à peine
De quelques fourmis dans le dos
Passer ses jours au fond d’une caisse,
Convenez-en, ce n’est pas drôle,
Et la petite voulait qu’il cesse
Ou qu’ils se coupent à tour de rôle
Mais il ne voulait rien savoir,
Il ne voulait rien expliquer.
Allons Lulu, y a pas d’espoir,
Allons Lulu, c’est bien trop compliqué
Une nuit, la belle, n’en pouvant plus,
Surprit le gars dans son sommeil,
De son air le plus ingénu,
Elle fit dix morceaux tous pareils
Elle était fière à juste titre,
Elle avait fait du bon boulot.
Réveille-toi! Fais pas le pitre!
Comment recolle-t-on les morceaux?
Comment expliquer aux gendarmes
Qu’elle avait raté son numéro?
Eux, se souciant peu de ses larmes,
Ils l’amenèrent au cachot
Ils la gardent depuis vingt ans.
Elle comprend toujours pas, la belle,
Pour oublier ses cheveux blancs,
Elle découpe des rondelles.